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👀 incarner les "chinois·es" à l'écran
Published about 1 month ago • 8 min read
Incarner les "chinois·es" à l'écran
Années 2000, kung-fu et phrase à trou.
Cette newsletter fait partie d'une réflexion globale sur : "Comment représenter des personnages asiatiques sans les caricaturer ?" Vous pouvez lire la 1e partie "Dessiner les chinois·ses" pour compléter.
Merci pour vos nombreuses réactions les semaines précédentes, ainsi que vos ressources, que j'ai remis un peu partout dans cette newsletter.
“T’es quoi toi ?”
J’ai grandi dans le 13e arrondissement de Paris.
Dans les années 90, le “quartier chinois”, c’était surtout des restaurants chinois et vietnamiens, puis des supermarchés. Il n’y avait pas de café manga, ni de bubble tea.
Dans la cour de l’école élémentaire, un tiers des enfants (pifomètre) étaient d’origine chinoise. Leurs parents ou grands-parents, en arrivant en France, se sont installés là où il y avait des logements libres, des gens qui les aident et du travail.
La question arrive parfois, entre le prénom et le métier de nos parents :
“t’es quoi toi ?”
ou
“tu parles quoi ?”
Entre nous, la question n’était pas blessante. Elle signifiait : on a déjà nos tronches en commun, qu’est-ce qui nous distingue ou nous rapproche ?
Beaucoup de mes ami·es étaient né·es en France, de parents primo-arrivants.
Je faisais partie des rares à être de la génération 1.5 (ou cul entre deux chaises), qui désigne les personnes nées à l’étranger et arrivées en France avant l'adolescence.
La majorité de mes ami·es parlent le teochew, quelques un·es le mandarin.
Chez moi, c’est le cantonais et le mandarin, et à mesure que je grandissais, j’ai imposé le français, malgré moi. Parce que c’était “nul de parler chinois”.
Dans ma famille, les adultes parlent en vietnamien pour éviter que les enfants ne comprennent. Parfois un mot de khmer, de taïwanais ou de teochew se glisse. Sans compter quelques mots d’anglais, quand les ami·es de la famille ont des racines hongkongaises.
Cela s’explique par la tradition de diaspora dans ma famille d’origine cantonaise (sud de la Chine) et aux migrations dues aux guerres et conflits civils.
Avec cette musique de fond, je pourrais me reconnaître dans l’adjectif “asiatique”. Littéralement, qui appartient à l’Asie ou qui en est originaire.
Après tout, c’est factuel.
Tenez, petit exercice rapide.
Voici une phrase à trou, complétez avec le mot qui vous vient
Vous êtes prêt·e ?
Videz votre tête, pensez à une Tesla.
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Les asiatiques sont très …
Alors ? Quel mot vous est venu ?
Allez un deuxième :
Les asiatiques adorent manger …
Vous pouvez garder la réponse pour vous. Elle vous appartient.
En tout cas, que votre stéréotype soit positif, négatif ou neutre, vous avez une représentation de l’ensemble des asiatiques.
Comme tout le monde.
Y compris si vous êtes asiatique.
Si aucun mot ne vous est venu, cela ne signifie pas que vous n’avez pas de stéréotypes sur les asiatiques, mais que vous n’en êtes peut-être pas conscient·e.
Pour mémo, les Asiatiques représentent environ 60% de la population mondiale. Vous pourriez me dire que ce chiffre désigne principalement les personnes qui habitent en Asie, mais moi je vous répondrais que ce n’est pas tellement le propos. L’Asie compte plus de 50 pays (quoi qu’en dise l’ONU). Entre des personnes russes, indonésiennes, turques et japonaises, je crois pouvoir dire qu’il y a plein de différences faciles à démontrer.
Alors quand on me désigne comme “asiatique”, j’ai du mal à contredire, je me demande juste si ces personnes ont conscience des stéréotypes que ce terme porte.
Plus problématique selon moi, lorsque je parle de mon expérience personnelle, mon interlocuteur·ice extrapole et en fait une généralité.
Je parle d’une manipulation technique sur un logiciel, j’entends :
“Je ne savais pas que les asiatiques étaient si geek”
Je parle de mes loisirs, notamment de broderie, je me prends :
“C’est vrai qu’il y a une tradition de broderie très importante en Chine”
Je raconte une pratique familiale, je reçois :
“Les traditions asiatiques sont tellement fascinantes et complexes”
Ah et il y a aussi cette dame, qui regarde mon enfant avec un grand sourire et me dit :
"Elle est belle votre fille, ma belle-fille est vietnamienne et elle s'occupe très bien des enfants, mon fils a bien de la chance"
Oui non, rien à voir avec rien, je ne suis que le support de son monologue intérieur.
Le problème avec les termes globalisants
Le problème, quand on utilise des termes totalisants pour désigner des humains, c’est le risque d’essentialisation, de caricature, du coup, de déshumaniser.
Dans les années 1990-2000, la culture populaire était principalement véhiculée par la télévision.
Ma construction sociale, mes représentations de ce qui est commun ou exception se sont basées sur les humains que je voyais sur l’écran.
Le cinéma et les séries télévisées mettaient en scène des personnes d’origine chinoise, en majorité. Pendant mon adolescence, “asiatique” a toujours été synonyme de “chinois”.
Mon angle mort (et pas que le mien) : les personnes sud-asiatiques Brown, à la peau foncée et notamment les personnes desi (de la diaspora).
De mémoire, j’ai juste Slumdog Millionnaire (2008) avec Dev Patel à l’affiche.
J’avais vu ce film uniquement parce que j’avais aimé le roman de Vikas Swarup. Voilà, pas ouf la culture gé.
Image du film Slumdog Millionaire (2008)
Sinon, c’est souvent le mec de l’informatique, le “Tech guy”, comme subtilement relevé dans la série Interior Chinatown (2024). Je vous parlerai plus longuement de la série et du roman de Charles Yu, si vous l'avez lu/vu, on en parle !!! Sur internet je n’arrive même pas à trouver les images du personnage du Tech guy joué par Raji Ahsan.
Bref, on parlait du manque de représentation.
Au cas où la question vous vient, oui tout à fait, les asiatiques à la peau foncée ne sont pas traité·es de la même façon que les asiatiques à la peau claire.
J’ai encore à apprendre sur le racisme envers les personnes Brown. Je suis donc preneuse de vos ressources et de vos questions.
En attendant je reviens sur mes séries télévisées, dans lesquelles les asiatiques sont généralement des chinois·es à peau claire, auxquel·les je m’identifie ou pas, mais en tout cas j’ai eu droit à des blagues, des remarques sur tous ces personnages.
Les chinois·es à l’écran
"Tu me fais trop penser à Ling"
Dans la série Ally McBeal (1997-2002), qui ne mériterait un thèse complète sur la représentation sociale, il y a Ling Woo.
Image de Lucy Liu, Ling Woo dans la série Ally McBeal
Avocate talentueuse, sexy mais froide, tendance sado-maso, imbue d’elle-même mais fragile au fond (on lève les yeux au ciel oui). Interprété par Lucy Liu, actrice populaire sino-américaine des années 2000 et après.
Elle incarne, malgré elle, l’archétype de la chinoise arriviste, sans pitié et ultra sexualisée.
Les hommes qui tentaient une approche en me comparant à Ling ne savaient peut-être pas que c'était raciste. En tout cas c'était un red flag direct pour moi. FUIR.
“Hé Jackie Chan, tu me montres ton kong-fu ?”
C’est donc un être humain qui s’adresse à moi. Cela m’est arrivé plusieurs fois en France, mais aussi en voyage ailleurs. C’est souvent lancé par des hommes, plus rarement par des femmes.
Affiche film Rush Hour (1998)
J’ai grandi en regardant les films de Jackie Chan avec mon père. Rush Hour (1998) était un chouette film à l’époque parce que voir Jackie Chan et Chris Tucker en tête d’affiche, ce n’était pas banal.
J’ai eu droit à des blagues sur le kong-fu. Cela dit, j’ai tenu à distance des enquiquineurs pas malins qui croyaient vraiment que je pouvais les retourner d’un mouvement de poignet.
"Je suis une racaille de Shanghai"
Avec mes copines d’école, on était fan d’Eric et Ramzy, le duo de comique qui commence par des sketches en 1994 à la télévision, J’ai beaucoup ri de leur humour absurde, mais Eric qui fait Superchinois, ça me faisait toujours un goût de café-dentifrice dans la bouche. Dans la Tour Montparnasse infernale (2001), il y a ce passage où Eric reprend son accent, face à Bô Gaultier de Kermoal,dans le rôle de Ming, habillé comme Bruce Lee dans le Jeu de la mort (1978).
Image extraite du Jeu de la mort (1978)
Image extraite de la Tour Montparnasse Infernale (2001)
L’”accent chinois” a fait beaucoup de mal aux personnes sino-descendantes.
Dans la rue, à l’école, au supermarché, au travail, je ne peux plus compter le nombre de fois où quelqu’un fait un “accent chinois”, parfois avec le combo blague de riz + étirage des yeux.
Et pour les personnes sino-descendantes qui veulent faire du cinéma, c’est un double piège qui se présente à elleux. La majorité des rôles sont écrits pour des personnes blanches, les “asiatiques” étant cantonné·es à des rôles stéréotypés et sans épaisseur. Encore faut-il savoir entrer dans le stéréotype attendu, à savoir faire l’accent.
HB est lecteurice de cette newsletter. La semaine dernière, iel m'a partagé la chronique de Aymeric Lompret, qui fait l'accent chinois, parce que cela l'a interpellé·e. Le chroniqueur fait un parallèle entre l'accent marseillais et l'accent chinois. Je réserve mon analyse pour l'instant, mais je crois parfois que le second degré présente le risque de jeter le trouble et de renforcer des amalgames.
Depuis cette époque, les représentations ont beaucoup évolué. Seulement il faut être au clair avec nos fondations. Je me suis construite avec cela, mon entourage aussi, mes ami·es, collègues, client·es, parent·es des copain·es de ma fille etc. Nous avons donc en commun un joli tas de stéréotypes plus ou moins conscientisés.
Les stéréotypes ne sont pas inoffensifs, ils ont un impact sur nos préjugés, nos actions et interactions. Nous sommes donc collectivement responsables du racisme envers les asiatiques, soit par une blague "qui ne pensait pas à mal", soit par l'absence de réaction face à une blague raciste.
Les microagressions sont une expression quotidienne de racisme, c'est pour cela que j'en fait le sujet de formations et de conférences.
Avant de parler des actions, il faut terminer cette petite fresque de culture générale.
Je vous donne rendez-vous marjeudi, dans deux semaines, pour un petit tour de nos écrans actuels.
En attendant, continuez à me faire part de vos ressources, questions et exclamations !
LZ évoque de bons souvenirs de Yoko Tsuno est l'héroïne de la BD du même nom, iel en retient un personnage intelligent qui évoluait dans un milieu plutôt masculin.
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S'identifier aux "chinois·es" Et se plonger dans des histoires d'humain·es Cette newsletter fait partie d'une réflexion globale sur : "Comment représenter des personnages asiatiques sans les caricaturer ?" Vous pouvez lire la 1e partie "Dessiner les chinois·ses" et la 2e partie Incarner les "chinois·es à l'écran" Lire l'étiquette Dans les newsletters précédentes, j’ai donné des exemples de représentation des chinois·es ou personnes asiatiquetées, dans les BD, dessins animés, les films et les...
Dessiner les "chinois·es" Qui sont les personnages chinois de nos livres et films d'enfance ? C'était quoi ta bédé préférée ? Le temps de cette newsletter, je vous propose un voyage dans mes souvenirs d’enfance. On s’éloigne un peu de notre quotidien professionnel, on y reviendra dans 2 semaines, marjeudi prochain. Ah oui, désormais, j’assume l’envoi de cette newsletter 1 semaine sur 2, mardi quand tout va bien. Et quand la vie m'en empêche, je l'envoie le jeudi. Donc, plongeons dans mes...
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