Tu pourrais être un peu moins allergique aux cacahuètes ?
Voilà, imaginons, vous êtes allergique aux cacahuètes.
Cela vous fait du mal, vous faites ce que vous pouvez pour les éviter, mais parfois, ça vous tombe dessus.
Mais votre tata, elle, adore les cacahuètes, et elle vous adore, vous.
Alors elle passe son temps à vous offrir des gâteaux et de temps en temps, elle glisse des cacahuètes dedans, parce qu’elle se dit que quand même, ça peut pas faire de mal puisqu’à elle, ça ne lui fait rien.
La plupart du temps, vous êtes sous le coup de la surprise.
Vous vous sentez mal mais vous ne dites rien, parce que vous ne pouvez pas fuir votre tata, vous devrez la revoir, et vous n’avez pas envie de la vexer.
Un jour, votre tata, la bouche en cœur, vous oblige à manger un autre de ses gâteaux à la cacahuète.
Dans un élan de survie, vous refusez.
Vous décidez de ne plus souffrir.
Vous lui dites que non, vraiment, les cacahuètes, faut arrêter.
Et votre tata s’offusque.
Mais enfin, elle n’en offre pas à tout le monde des cacahuètes, puis vous savez bien qu’elle vous adore et qu’elle ne vous veut pas de mal. Puis, vraiment, tout un foin pour des cacahuètes alors qu’il y a des choses bien plus graves dans le monde ?
C’est absurde et vous ne voyez pas où je veux en venir ?
Remplacez "cacahuètes" par “blagues racistes”.
Remplacez "tata" par “collègue”.
Lorsqu’une personne m’a partagé son désarroi face aux blagues racistes de sa collègue, je n’ai pas été surprise par son histoire.
Ce qui m’a intéressé, c’est la difficulté pour expliquer à une personne que ses arguments de défense sont absurdes et autocentrés.
L’histoire de la cacahuète est risible, mais relativement facile à comprendre.
Elle peut ouvrir des débats sans fin mais elle permet cependant de mettre en lumière le personnage principal : la personne qui reçoit les propos racistes.
Ce n’est pas l’intention de la tata qui pose problème, c’est son refus de voir la conséquence de ses actes.
Les microagressions sont des propos, des comportements du quotidien. Elles viennent de personnes de notre entourage, proches ou non. Elles existent notamment parce que personne n’ose dire que c’est pas ok, parce qu’il y aurait des choses “plus graves”. Certes, il ne s’agit pas d’une agression volontaire, mais peu importe l’intention. Ce qui compte, ce sont les conséquences sur les personnes qui sont touchées.
Lorsqu’une personne dit “ce n’est pas ok pour moi”, c’est beaucoup d’énergie, et c’est souvent le résultat d’un long chemin invisible.
L’étape d’après, c’est de prêter attention à comment ne pas blesser cette personne à nouveau.
Pas de tendre le micro à la personne qui a émis la microagression pour qu’elle se justifie.
En atelier de sensibilisation ou de formation, c’est sans doute le message que je radote le plus.
Lorsque je parle de microagressions, je m’intéresse aux conséquences, pas aux intentions.
Aperçu de ma collection privée :
- Tu ne vas pas manger mon chien hein Juliette ? Oh ça va je rigole.
- J’adore les asiatiques, vous êtes tellement … (la suite importe peu)
- Dès que je vois des yeux bridés, je pense à toi !
Les microagressions, tout le monde peut en émettre.
Si vous avez déjà émis des microagressions, pouvez-vous me les raconter ?
En décembre, je vous prépare un kit de rafistolage pour vous en sortir sans causer trop de dégâts.
Parce que les kits de survie pour les repas de fêtes, c’est utile pour se défendre, mais il faut aussi apprendre à faire face à ses propres actes.
Simulation de projet DEI avec des élèves en master de RH
Les RH ont un rôle de plus en plus complexe. Sur les sujets de diversité et inclusion, les RH doivent souvent être force de proposition et piliers de soutien, à la fois expert·es et pompier·es.
Je pense qu’il est indispensable pour les RH d’être à la fois solides dans les connaissances de base sur les obligations employeur, mais également dans leur posture, pour mener à bien des actions de D&I qui ne sont pas toujours prioritaires, mais toujours menées sous pression.
C’est pour cela que j’aime intervenir dans les écoles RH, auprès des futur·es professionnel·les, pour les amener à démarrer la réflexion sur la façon dont ils et elles voudraient mener les actions diversité et inclusion.
La semaine dernière, j’ai accompagné les élèves en master 2 de Ressources Humaines de l’ISG RH Lyon, dans leur projet Diversité, Équité et Inclusion. C’est la deuxième année de suite que je travaille avec l’équipe de l’ISG RH Lyon, qui me fait confiance et écoute toutes mes propositions.
Pendant 3 jours, les élèves doivent se mettre dans la peau de Responsables en Ressources Humaines (RRH), au sein d’un grand groupe de télécommunications.
Les élèves ont constitué 4 groupes de travail, et chaque groupe se voit attribuer une thématique de diversité et inclusion, et un budget fictif.
Les thématiques sont :
- LGBTQIA+
- Handicap et validisme
- Egalité professionnelle
- Violences et Harcèlements Sexistes et Sexuels
J’ai démarré le parcours avec, non pas du contenu théorique, mais avec un débat mouvant.
Après avoir énoncé une affirmation, telle que : “La diversité et l’inclusion sont des sujets de RH”, je les ai invité·es à se positionner dans l’espace pour exprimer leur accord ou désaccord, puis à argumenter pour expliciter leur positionnement.
Ce format d’animation si courant dans le milieu de l’éducation populaire a agréablement surpris les élèves. Dynamique, il propose plusieurs modes d’expression pour partager son positionnement, donne la possibilité de changer d’avis, et encourage l’écoute active mutuelle.
Cette animation a permis aux élèves de nuancer les points de vue, et d’installer une ambiance de travail qui laisse la place au désaccord.
Pour les aider dans leur posture et leur réflexion, des consultantes expertes en inclusion sont venue à leur rencontre.
Trois consoeurs du collectif PEPI Lyon ont accepté d’intervenir :
Je voulais que les élèves rencontrent ces artisanes de l’inclusion, qui interviennent dans des entreprises mais également des associations et des collectivités territoriales. Je pense que pour faire avancer les sujets de diversité et inclusion dans les entreprises, il est nécessaire d’ouvrir le champ des possibles au-delà des attentes internes, il est indispensable d’écouter, de regarder ce qu’il se passe par ailleurs.
Au 3e jour du projet, les élèves doivent présenter un plan d’actions en 15 minutes, face à un comité exécutif (fictif, représenté par moi-même) qui a des attentes fortes et une connaissance assez macro de leurs sujets.
Mon objectif, c’était de les amener à :
- poser une analyse quantitative et qualitative
- réaliser un benchmark
- choisir des actions concrètes, cohérentes et qui font sens
- coopérer entre groupes pour harmoniser les pratiques
- adapter leur communication en fonction de leur audience
Après les présentations orales, on a pris le temps de débriefer ensemble, sur le fond et la forme de cette simulation. J’ai collecté des idées pour améliorer la simulation, même si dans l’ensemble, les élèves ont beaucoup aimé ce moment.
Les points forts selon elles et eux :
- le débat mouvant
- l’autonomie pour le travail de groupe
- l’encadrement et accompagnement proposé
- le cas pratique qui était réaliste et concret
C’est un format que j’aime particulièrement, parce qu’il mixe justement un parcours très cadré, avec des consignes et des deadlines précises, et une grande autonomie pour travailler.
Je vais continuer à proposer ce format aux écoles, pour que les futur·es professionnel·les de RH ou de management s’exercent le plus tôt possible aux enjeux de la diversité et de l’inclusion au travail.
Si vous pensez que votre ancienne école peut être intéressée, dites-le moi, car on pourrait y inclure un témoignage de votre part, en tant qu’acteur·ice engagé·e pour l’inclusion dans votre structure.
Retours sur l’atelier exploratoire sur l’antiracisme dans les coopératives d’activité et d’emploi CAE
Cet été, j’ai co-animé plusieurs ateliers avec ma consœur Charlotte Joncour, formatrice et facilitatrice spécialiste de l’interculturalité.
L’une de nos collaborations est un atelier pour explorer un sujet à la fois évident et invisible dans les coopératives d’activité et d’emploi que nous connaissons : l’antiracisme.
Notre constat de départ est le suivant : Charlotte et moi sommes dans le domaine de l’ESS, et nous sommes entourées de personnes dont les activités sont motivées par un objectif d’égalité des chances, d’équité sociale et économique. A priori, on est entouré de gens qui se veulent du bien. Or, même au sein de nos structures de l’ESS, il y a des situations de racisme, plus ou moins visibles.
Nous nous savons sur une pente glissante. Il s’agit de poser un sujet, sans faire la morale ni culpabiliser, sans braquer les gens.
Lors de la Bigre Rencontre, rendez-vous estival des coopératives d’activité et d’emploi, nous avons proposé un atelier pour les personnes curieuses et volontaires pour prêter à un exercice d’exploration et de discussion ouverte.
A ma grande surprise, nous avons accueilli 20 personnes. Le résultat des réflexions est consultable sur demande (répondez simplement à cet email) et je vous partage ici une restitution rapide et subjective.
Avec Charlotte, nous avons posé des définitions pour commencer. Qu’est-ce qu’on appelle racisme ? Qu’est-ce qu’une personne racisée ? Cela a permis à tout le monde de partager une définition commune des termes fréquemment utilisés dans l’atelier, même si elle est incomplète.
Puis, les participant·es ont déambulé entre plusieurs tables thématiques, pour apporter leurs points de vue et ressources concernant :
- les situations de racisme au sein des CAE
- les freins qui nous empêchent d’agir
- les ressources qui nous permettent d’apprendre ou d’agir
- les mots ou notions en lien avec l’antiracisme
La conclusion a été unanime : ce sujet ne peut pas être traité en vase clos dans chaque CAE. Notre écosystème constitue à la fois une obligation de collaboration et une force dans l’action.
Cela nous a donné un boost de motivation. Charlotte et moi poursuivons nos travaux d’exploration et si la démarche vous intéresse, pour votre structure ou votre équipe, nous le déclinons sur-mesure.
Ma sélection mensuelle de ressources lues et vues
[Pas d'audio disponible pour cette partie, pour l'instant]
"Le consentement, c'est une notion récente"
Et bien non c'est faux, le consentement est une notion qui a 8 siècles. Pour en savoir plus, écoutez l'épisode Le consentement ? C’est depuis 1140… et à la Table Ronde, du podcast Le Fil de l'Histoire sur France Culture.
Je me pose beaucoup de questions sur l'utilisation de l'IA dans mon travail. Dois-je l'utiliser pour être plus efficace ? Dois-je me l'interdire ? Dois-je établir une charte avec mes partenaires ? Dans ma réflexion, j'ajoute cet reportage Arte : "Madagascar : les petites mains de l'IA".
Les entretiens d'embauche révèlent le niveau de docilité attendu par l'entreprise. C'est ce que je retiens de cette vidéo de La Débauche, émission de Blast : L'entretien d'embauche, une humiliation organisée.
Dites-moi ce que vous avez pensé de cette formule avec audio, de vos bourdes en microagressions, en répondant à cet email.
Merci d'avoir lu jusqu'ici !
Juliette Phuong