☕​ "Qui ne dit mot, consent"


"Qui ne dit mot, consent"

Consentement et pratiques inclusives au travail


Bonjour,

Si c'est la première fois que vous me lisez, bienvenue ! Chaque mardi matin, je vous partage l'analyse d'une notion en lien avec l'inclusion, le mode d'emploi d'un outil, une ressource, ou une revue de presse. Le but, c'est de vous accompagner chaque semaine à rendre vos pratiques professionnelles un peu pus inclusives.

Si vous me lisez chaque semaine déjà, merci d'être là, vos retours m'aident à améliorer cette newsletter, que j'espère toujours optimiste pour l'inclusion au travail.

Bonne lecture !



Vous l’avez peut-être déjà entendu.

Dans mon quotidien professionnel, j’entends parfois dire “Qui ne dit mot, consent”, à propos d’une demande de validation de compte-rendu, ou d’une question posée dans un email.


Cette phrase m’a toujours mise mal à l’aise. La dernière fois, c’était il y a moins d’un mois. Je l’ai entendue dans un cercle de personnes qui ont une éthique de travail très rigoureuse, qui maîtrisent les bases de la communication non violente et qui ont vraiment à cœur de prendre soin des humains dans le cadre du travail.

Justement, ça m’a fait bizarre, parce qu’en réunion, ces mêmes personnes prennent soin de recueillir le consentement libre et éclairé.

Mais quand il s'agit d'un email, ce consentement se modifie.

Du coup, dissonance cognitive chez moi.


De plus, cette situation est arrivée à un moment

  • où le consentement est un sujet d'actualité, avec l'affaire Mazan notamment
  • où j’explique beaucoup la notion de consentement en formation et en atelier
  • où je travaille avec plusieurs collectifs de travail pour rendre leurs pratiques plus inclusives

Je ne questionne pas l’intention de la personne qui a émis cette phrase.

Car elle est très largement utilisée. Ce n’est pas un procès d’intention.

Je propose une analyse du sous-texte et des effets de cette phrase d’apparence anodine.

Le consentement, c’est quoi au juste ?

Alors que le quotidien de mon taff consiste à analyser les pratiques professionnelles pour les rendre plus inclusives, je trouve qu'il y a comme une incohérence à utiliser le consentement tacite pour valider un compte-rendu.

Je suis allée chercher quelques définitions du consentement.

Selon les champs d’application, on peut lire des choses très différentes.

En droit privé, dans le cadre d’un contrat, c’est :

“la volonté d'engager sa personne ou ses biens, ou les deux à la fois”

En matière de règlement général de protection des données (RGPD), le CNIL dit :

“Le consentement représente l'accord de la personne concernée à ce que ses données soient collectées et utilisées. C'est une des six bases légales prévues par le RGPD. Il doit être libre, spécifique, éclairé et univoque.”

Dans le cadre de la prévention contre les violences sexistes et sexuelles, les définitions sont souvent plus libres et plus spécifiques :

“Le consentement, c’est dire « oui » ou « non » pour faire quelque chose sans se sentir forcé ou influencé.
C’est donner votre accord ou votre désaccord. Le consentement doit être réciproque c’est-à-dire que les deux personnes doivent être d’accord. Le silence ne veut pas dire accepter.”

Concrètement, cela veut donc dire demander l’accord d’une personne, lui donner les éléments pour prendre une décision en conscience, et lever tous les freins pour que sa décision soit libre.

C’est super dans le principe. Mais en pratique et souvent en parallèle, le consentement tacite est utilisé pour accélérer les prises de décision.

Quel est le sous-texte ?

Ce que “Qui ne dit mot, consent” signifie dans le cadre d’une validation de compte-rendu, c’est :

“On a besoin d’avancer, si les gens ne répondent pas, on ne sait pas ce qu’ils pensent, alors on va partir du principe qu’ils sont d’accord, sinon on est bloqué”

Si vous questionnez les personnes qui appliquent ce principe, vous pourriez aussi entendre :

“Évidemment on applique ce fonctionnement uniquement pour les validations de comptes-rendus, pour rien d’autre.”


Mais si c’est évident et communément accepté, est-ce que c’est formalisé quelque part ?

Est-ce que c’est un principe de fonctionnement assumé ?

L’indique-t-on dans les processus de décision ?

Le rappelle-t-on aux personnes nouvellement arrivées dans le collectif de travail ?

En gestion de projets, j’ai longtemps appliqué le principe de consentement tacite, sans mettre les mots dessus, sans faire le lien avec le fait que c'est quelque chose que je n'appliquerai pas dans d'autres domaines.

Une fois que j’ai mis les mots dessus, j’ai voulu changer mes pratiques.

Pourquoi c’est important ?

Travailler sans questionner les sous-entendus, c’est prendre le risque de beaucoup d’incompréhension, de frustration et de prises de décisions biaisées.

Comment différencier l’absence de réponse

  • d’une personne qui n’a pas lu ou vu la question
  • de celle qui ne se sent pas concernée par la question
  • de celle qui n’est pas d’accord mais qui n’ose pas le dire
  • de celle qui n’a pas compris la question

En théorie, avec nos collègues, on est facilement d’accord sur le fait qu’on préfère un consentement clairement exprimé.

En pratique, quand on n’obtient pas de réponse à une question posée, on bascule rapidement vers le consentement tacite.

Le consentement peut-il être une modalité optionnelle, qu’on annule quand ça nous arrange ?

Cela devrait être tout le temps, pour tout, et en conscience.

Dans une relation interpersonnelle, amicale ou sentimentale ou sexuelle, dans des interactions professionnelles, de vive voix ou en asynchrone.

Des pratiques professionnelles plus inclusives, c’est s’assurer que toutes les parties prenantes soient en capacité d’exprimer son point de vue, d’être entendues, et de prendre des décisions en conscience.

L’art de poser des questions

Comment, individuellement ou collectivement, je peux transformer des pratiques professionnelles qui sont inscrites dans des habitudes, souvent non conscientisées ?

J’ouvre ici des pistes de réflexion pour faciliter la prise de décision en collectif, sans utilisation du consentement tacite :

  • Rappeler brièvement le contexte de la décision et son importance pour le projet
  • Formuler des questions claires. Privilégiez le trio sujet + verbe + complément. Le contexte aura été décrit avant.
  • Formuler des questions en prêtant attention à vos biais. Parfois, la question induit la réponse.
  • Fixer une date limite pour la réponse.
  • Si la question est fermée (vous attendez un oui ou un non), ouvrez la possibilité d’une abstention, ou d’une demande d’informations complémentaires. Cela permet à plus de personnes de participer si elles ne peuvent se positionner sur oui ou non.
  • Si les personnes ne sont pas d’accord, quelles sont les alternatives que nous prévoyons ? Est-ce qu’elles peuvent / doivent proposer autre chose ? Si oui, sous quel délai ?

En amont

  • Identifier les personnes réellement décisionnaires et leur adresser nominativement la question.
  • Les personnes devant être simplement informées peuvent rester dans la boucle, mais être limpide sur le fait qu’il s’agit d’une information pour elles.
  • Dans le mode de fonctionnement du collectif de travail, prévoir les cas de non-réponse et se mettre d’accord sur une modalité, autre que le consentement tacite.


Qu'en pensez-vous ? Est-ce que cela vous paraît important de mettre en place cette pratique dans votre quotidien ?

Juliette Phuong


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