👀 qu'est-ce qu'on lit ?


Qu'est-ce qu'on lit ?

Que vous ayez 4 ou 40 ans, des idées de lectures inclusives


Cela fait quelques temps que j’ai 40 ans.

Car j'ai déjà le mode de vie qui va avec ce que j’imagine des quadragénaires. Et peu importe ce que j’imagine, ça me va bien.

Donc la semaine dernière, quand j’ai soufflé la bougie licorne sur mon saucisson brioché d’anniversaire, il n’y a rien eu de neuf. Si ce n’est que je me suis autorisée à me reposer le lundi soir et ne pas envoyer ma newsletter comme prévu.

Pourtant j’avais travaillé et préparé mes sujets, mais j’ai ressenti le besoin d’écouter cette voix qui disait : tout va bien, si tu décales ta newsletter d’une semaine, tout ira bien quand même.

Si vous me lisez depuis un certain temps, vous commencez à me cerner.

Je me pose beaucoup de questions, tout le temps. C’est super parce que j’actualise régulièrement ce que je crois savoir ou comprendre. En matière d’inclusivité, je pense qu’il est absolument nécessaire de ne pas se refermer sur ses convictions intimes.

Mais cela peut être épuisant parce que les contenus sont foisonnants, parfois complexes, souvent pesants, donc le travail est sans fin.

Lorsque j’ai des pensées empreintes de biais racistes, grossophobes ou autres, je ne me flagelle plus. Je le note et je vais chercher d’où cette idée me vient. Généralement, elle vient d’une expérience passée, plus ou moins précise.

Aujourd’hui, je vous partage des lectures, pour jeunes et moins jeunes

Capitaine maman, ou l'importance du rôle modèle

L’autre jour, ma fille a dit : "Les archéologues, elles creusent la terre pour trouver des traces du passé, et après elles les mettent dans les musées."

Et oui, elle a utilisé le féminin par défaut.

Imaginez ma fierté (peut-être mal placée, mais un rien me rend fière de ma fille)

Pourquoi ? Sans doute parce que depuis sa naissance, je la bassine avec mes doublets (facteurs et factrices, boulangers et boulangères), et parce que la première archéologue de sa vie, c’est Capitaine maman, une chatte archéologue qui vit des aventures d’archéologue avec sa mère et ses 3 chatons.

Les aventures de Capitaine Maman tournent autour d'une mère passionnée par son taff d'archéologue, elle est parfois enquiquinée d'avoir ses enfants dans les pattes. Les hommes qu'elle côtoient dans le travail sont soit des dictateurs qu'elle recadre, soit des présidents forceurs qu'elle éconduit.

Bref, que dire de plus pour vous faire lire Capitaine maman, Magali Arnal, École des Loisirs ?


Comment parler de racisme aux enfants

Pour continuer avec ma vie de maman, j’avais été embêtée quand ma fille a parlé de “monsieur marron” en désignant une personne noire.

Elle l’a fait de façon descriptive, informative, comme elle aurait décrit sa veste grise.

J’ai dit qu’elle pouvait dire “noir”, mais elle m’a rétorquée que noir c’était pas ça, c’était beaucoup plus foncé. J’ai donc commencé à expliquer que les personnes noires se désignent généralement avec ce terme et qu’on devait utiliser les termes choisies par les personnes concernées.

Comme elle n’a jamais utilisé le mot “black”, je n’ai pas eu à lui expliquer en quoi ce n’était pas approprié, mais je pense que ça viendra bientôt.

En tout cas, j’ai senti qu’il était temps de me préparer à expliquer des choses complexes de façon simple. J’ai donc cherché des livres pour enfants et je dois dire que j’ai été assez déçue de ce que j’ai trouvé en français.

Sur instagram, je suis le compte de Maya Lê institutrice états-unienne, qui sélectionne des livres inclusifs pour enfants. Je vous recommande son compte insta @maistorybooklibrary, ou son blog https://maistorybook.com/

Dans sa sélection, j’ai trouvé "Our Skin : A First Conversation About Race", de Megan Madison, Jessica Ralli et illustré par Isabel Roxas.


Les propos sont clairs et didactiques. Les dessins sont mignonissimes.

L’histoire démarre avec un constat simple : “We all have skin. It comes in different colors. What color is your skin ? “
(Nous avons toustes une peau. Cette peau peut avoir des couleurs différentes. De quelle couleur est ta peau ?)

Les autrices invitent à observer sa propre peau, celle des personnes qui nous entourent. Elles expliquent que la différence de couleur vient de la quantité de mélanine, puis invite à décrire la couleur de sa peau avec ses propres mots.

Progressivement, elles expliquent ce qu’est le racisme, qu’elles présentent comme une idée qui a été inventée un jour et qui est toujours racontée. Les subtilités du racisme y sont présentées, avec des situations que peuvent vivre les enfants, des injustices au racisme quotidien.

Je suis très tentée de vous retranscrire tout le livre, tellement je le trouve merveilleux de simplicité et d'intelligence.

Les autrices étant états-uniennes, tout n'est pas à traduire littéralement en français. Pour ma fille, je le lis en anglais et je traduis en français dans la foulée, avec probablement des erreurs et des biais. Mais au moins le sujet existe, et on peut en parler.

Les pages cartonnées vous donneront l’impression qu’il est réservé aux enfants, mais je crois que c’est simplement pour être tournées, encore et encore, par les enfants qui apprennent, ou par les adultes qui croyaient savoir.

Our Skin, A First Conversation About Race, de Megan Madison, Jessica Ralli et illustré par Isabel Roxas.

Si vous êtes à Lyon, passez commande chez Damn Fine Bookstore et prévoyez de passer un petit moment dans le salon de thé, au fond.

Découvrez aussi la version lue par l'une des autrices ici.

Le gros mot qui commence par C…

J’ai grandi dans les années 90, j’ai donc été abreuvée de “ta mère est tellement grosse…”

Est-ce que ça vous parle ? C’était des insultes majoritairement grossophobes que les gamin·es se balançaient à la tronche comme on pouvait s’envoyer une boulette de papier mouillée dans un tube d’effaceur.

Je n’arrive pas à me souvenir si cela me faisait rire ou non. J’avais déjà une préférence pour l’humour absurde mais peut-être que la mémoire sélective fait bien son travail.

Aujourd’hui, j’ai complètement sorti les insultes qui engagent les mères, peut-être parce que je suis concernée maintenant. Mais il y en a une qui reste suspendue à mes lèvres, alors que j’ai très envie de l’oublier.

Je l'entends souvent dans mon environnement, même dans les cercles féministes.

C’est “connasse”.

Comme l’explique Alice Pfältzer dans l’excellent livre “Garce, Hystérique et autres joyeusetés”, le mot “connasse” est à prendre en considération avec “con” et “conne”.

A l’origine, il y a le “con”, du latin cunnus, qui signifie “gaine” ou “fourreau”, et qui désigne par extension le vagin. Oui c’est classe mais comme je ne suis pas historienne, je vous l’explique à la va-vite. Le terme con est devenu une insulte au XIXe siècle. Le vagin était “synonyme de bêtise, car considéré comme faible et impuissant”.

En réalité, utiliser le mot “con”, c‘est répréhensible par la loi, mais il y a très peu de plainte pour injure.

Et pourtant il y a quelque chose qui défoule dans la sonorité de ce mot. probablement la percutance du C en démarrage de mot, la traîne des “S” à la fin, avec le suffixe -asse qui rend toutes les insultes plus intenses.

L’autrice suggère des alternatives à cette insulte sexiste : sous-merde ou charogne.

Perso, pour retrouver la percutance du C, j’utilise plutôt saC à merde, ou raClure.

Et vous, quelles sont les insultes sexistes que vous avez réussi à remplacer ?


Garce, Hystérique et autres joyeusetés, Alice Pfältzer, Mango Society

Relire 1984, ou pas !

Pour finir, un roman qui fait aussi écho à mon adolescence : "Julia" de Sandra Newman.


Parmi les romans que j’ai beaucoup lus étant ado, il y a eu 1984, de George Orwell. Ce monde totalitaire me fascinait, avec ses personnages dont la motivation était soit la domination pure, soit une tentative de fuir la domination, sans véritablement de porte de sortie.

La Novlangue surtout m’avait interpellée. Ce qui ne se nomme pas, n’existe pas. C'était déjà important pour moi de nommer précisément les choses, les mécanismes et les idées. Aujourd'hui, à la lumière de mon travail dans l’inclusivité, c’est d’autant plus indispensable.


Et Julia alors, ce personnage féminin dans le roman d’Orwell ? Je l’avais complètement oublié. C’est en voyant la couverture du roman de Sandra Newman, que je me suis rappelée de son existence.

Julia, dans le roman d’origine, est un personnage secondaire, qui n’a pas de nom de famille. Elle sert à donner un peu de volume au personnage principal Winston Smith, mais je me souviens essentiellement d’elle comme d’un faire-valoir.

Sandra Newman propose de revivre l’histoire de 1984, dans la peau de Julia. C’est une lecture enthousiasmante, car c’est comme revisiter un lieu familier, avec un éclairage supplémentaire. L’autrice crée une nouvelle dimension pour 1984, avec un personnage féminin plein de contradictions humaines, qui se questionne et qui vit des souffrances spécifiques aux femmes. Ici, il y a de la place pour les femmes en général, avec leurs différences de classes sociales, de couleur de peau aussi, même si c'est plutôt suggéré.

Cela m'a beaucoup questionné sur l’invisibilisation des femmes dans les histoires que j'ai lues adolescente, période où j'ai construit plus consciemment ma vision du monde.

Cela me donne presque envie de relire 1984, en alternant les chapitres avec Julia, pour reconstituer un roman choral.

Sauf qu’en fait, Julia se suffit à elle-même. Cette histoire reprend toutes les thématiques de 1984, avec la dimension féministe en plus, ce qui, pour moi, la rend bien plus indispensable maintenant.

Julia, Sandra Newman, Robert Laffon

Bientôt je vous parle de ...

"On ne nait pas mec" de Daisy Letourneur, bientôt en format poche (06/03/2025), donc si vous l'avez déjà lu, je serais preneuse de vos retours !

Extrait :

“L’immaturité des hommes n’est pas un problème d’hormones, un syndrome de puberté tardive : c’est l'insouciance des dominants. Et cette idée selon laquelle les hommes mûrissent moins vite a pour fonction objective de justifier leur désinvolture et les faire bénéficier d’une forme d’impunité”

Puis, je viens de passer la précommande et je l'attends avec impatience :

Vous les asiatiques, de Linh-Lan Dao, Denoël, sortie le 19/03/2025

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Juliette Phuong


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