👀 On s'accroche et on continue ?


On s'accroche et on continue ?

Je parle évidemment de lutte contre les inégalités, pas de tissus aériens.


Ne laissez pas tomber.

Parce que je suis tombée de ma chaise.

Le mois dernier, au cours d’une veille assez banale, je cherchais des articles sur l’inclusivité.

Je trouve le blog d’un cabinet que je vais nommer subtilement KK.

Il semble se présenter comme expert en diversité.

L’article semble poser des définitions sur l’inclusion.

Mais quelque chose clochait.

Dans la tournure des phrases, dans la façon de présenter les sujets, quelque chose n’allait pas.

C’est alors que ces mots me bondissent au visage

  • idéologie woke
  • communautarisme
  • repli sur soi
  • identitaires
  • dangers

Sous couvert de poser des définitions, l’article pose tranquillement que :

  • la diversité et l’inclusion sont des maux, des fléaux à gérer
  • l’urgence à traiter le sujet vient de leur dangerosité

J’ai eu une première réaction assez puérile.

J’ai ri amèrement, j’ai partagé avec des personnes de confiance, pour avoir leur analyse. Pour me rendre compte que c’était réel.

Franchement, j’ai flippé.

Non en fait je suis passée par plusieurs phases : sidération, déni, abattement et flip.

Ce qui m’a sidéré, c’est de voir le mimétisme dans le processus de sensibilisation.

Dans ma démarche, j’explique des notions, je démontre les conséquences et je propose des approches. Mais toujours des approches pour lutter contre les inégalités, des violences systémiques.

Ici, c’est presque la même chose, sauf qu’il y a utilisation de la peur.

En gros, si vous ne faites rien

  • le “communautarisme” rongera votre équipe
  • le “wokisme” détruira votre entreprise
  • l’ “identitarisme” submergera la société

J’arrête avec les guillemets, vous voyez où je veux en venir.

Il n’y a évidemment aucune statistique, aucune ressource externe.

Uniquement de la peur.

La semaine dernière, j’ai discuté avec un organisme de formation qui souhaitait vendre mes formations sur les violences sexistes et sexuelles au travail. Tout est encore en discussion, mais j’ai insisté sur un point : je refuse d’utiliser la peur pour vendre des prestations.

La peur amène la crispation, le repli sur soi, la recherche de solutions toutes faites et faussement rassurantes. La peur empêche de dialoguer.

En regardant les profils de l’équipe KK, je trouve des informations qui me confirment que ce sont des personnes militantes, mais très clairement contre l’inclusion.

Pour ces personnes, il s’agit de comprendre les “mouvements” pour les combattre. En empruntant certains mots de vocabulaire de lutte contre les discriminations et les violences, mais en retournant le propos, en se positionnant comme menacées par les identités des autres. Il faudrait donc se défendre.

Mon job n’a jamais été neutre. Mais en ce moment, j’ai parfois l’impression que c’est insuffisant. La preuve avec les actualités : aux États-Unis, mes condelphes perdent leur job, du jour au lendemain. Si vous êtes du métier, ce genre de lecture (mesure présidentielle pour dégommer toutes les actions d’inclusion dans l’administration publique) vous fera l’effet d’une perforeuse dans la chair.

Un confrère me disait que parmi ses clients, certains groupes internationaux cessent de parler de “Diversity & Inclusion”, pour parler de “Culture”. J’imagine que c’est un pis aller, mais cela soulèvera d’autres problématiques.

Je trouve déjà les termes “diversité et inclusion” trop faibles.

J’ai déjà une approche très critique de ce qu’on appelle l’interculturalité (heureusement que j’ai des consœurs spécialisées qui m’ont donné des clés de compréhension).

Je suis déjà très prudente quand je dois parler de “différences” (différence par rapport à qui et à quoi).

Je trouve que “célébrer la diversité” c’était déjà bien trop mou.

Parmi mes confères et consoeurs francophones, je ne suis pas la plus militante. D’autres sont plus actif·ves, plus visibles, plus organisé·es dans leurs actions. Je fais ce que je peux à mon niveau mais certaines personnes m’épatent par leur engagement.

Mais voilà, je ne me vois pas utiliser le mot “culture” pour parler d’inclusion.

Dans ce contexte, je trouve qu’il a un sale goût en bouche.

La “culture” n’a jamais empêché la discrimination, ni le racisme. C’est justement une évolution du racisme qui, au lieu de se baser sur la biologie, va se baser sur la culture.

Il y a plein de façons d’aborder la diversité et l’inclusion.

La version bisounours, ce serait de “célébrer la diversité humaine”.

La version pragmatique, ce serait de sensibiliser, de former, de responsabiliser. Pour changer les mentalités et les pratiques au quotidien. C’est ce que j’ai choisi.

Mais avec la version “voyez l’ennemi qui se dresse”, c’est foutu d’avance.

C’est se tromper d’ennemi.

A la lumière des actualités, cela me semble encore plus urgent de le rappeler, même si c’est très convenu :

  • La diversité est un fait
  • L’inclusivité est un état d’esprit
  • L’inclusion est une démarche active
  • L’urgence, c’est la santé et la sécurité au travail
  • L’objectif, c’est l’égalité professionnelle

Ne lâchons rien, surtout maintenant.

Si vous voulez agir, et que vous ne voulez pas être piloté·e par la peur, construisons ensemble des actions adaptées à vos organisations.

Cela commence par s'accorder sur la priorité : s'agit-il de lutter contre les inégalités au travail ? Ou de "protéger nos identités" ?

Pour protéger vos identités, je ne pourrais rien faire.

Pour lutter contre les inégalités, on commence par mesurer, pour savoir ce qu'on veut changer, ensuite on crée des espaces d'interactions, pour comprendre les mécanismes et identifier les comportements.

Et tout du long, sensibiliser, former pour utiliser les bons termes. Les termes pour parler des diversités humaines, sans stigmatiser.

Dans deux semaines, je vous proposerai une liste des mots du quotidien à questionner. En attendant, échangeons sur Linkedin !

Juliette Phuong


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