☕​ Le racisme, y a pas de ça chez nous !


Le racisme, y a pas de ça chez nous !

Ou “Pourquoi parler de racisme dans mes équipes alors qu’il n’y a pas de souci dans mon entreprise ?”

Voici un échange courant que je peux tenir avec des dirigeant·es d'entreprise, ou des managers d'équipe :

Moi : J’accompagne les équipes à travailler sur les situations de racisme au travail

Dirigeant·e : C’est super mais il n’y a pas de racisme chez nous.

Moi : Comment le savez-vous ?

Dirigeant·e : Je connais les gens. Nous sommes proches, j’entends les conversations, les gens se parlent avec respect.

Moi : Qu’est-ce que le racisme pour vous ?

Dirigeant·e : C'est la haine des personnes différentes, ce sont des insultes, du mépris…

Moi : Et lorsque cela vient de la clientèle ?

Dirigeant·e : On ne peut rien leur dire, malheureusement il n'y a pas grand chose à faire …

Si je schématise, c’est pour être synthétique. C'est volontairement caricatural.

Il est possible que vous vous reconnaissiez dans ces propos et mon objectif n’est pas de vous vexer. C'est de vous faire réaliser que ce sont des positions largement partagées.

Dans cet échange, je repère plusieurs croyances et idées reçues :

  1. le racisme c’est un truc haineux de gens racistes
  2. lorsque les équipes s’entendent bien, il n’y a pas de racisme (ni sexisme etc.)
  3. il n’y a aucun levier lorsque les propos racistes proviennent de la clientèle (ou de partenaires précieux)

Décortiquons-les ensemble.

"Le racisme c’est un truc haineux de gens racistes"

Le racisme peut être conscient et haineux. Il peut s’exprimer par des comportements, des propos hostiles, des violences verbales et physiques.

Mon champ d'intervention se situe ailleurs.

Il est une forme de racisme pernicieuse, qui trouve ses racines dans notre quotidien, qui s’est glissé dans notre langages, nos habitudes, et qu’on ne voit pas toujours.

Je vous partage uniquement ce que j’ai entendu moi-même. J’ai des centaines de témoignages et de verbatims, de connaissances directes ou indirectes, mais je préfère partager ceux dont je connais bien le contexte. Tout cela pour dire que des exemples, j’en ai à la pelle.

“J’ai rencontré le mari de notre cliente, c’est un grand Black trop sympa”
“J’ai fait la Thaïlande l’année dernière, les Thaïlandais sont hyper accueillants, ils n’ont rien ils te donnent tout”
“C’est un de vos collègues qui s’est gentiment occupé de moi la dernière fois, un comme vous”


Absolument tout le monde peut tenir des propos racistes, y compris les personnes victimes de racisme, car le racisme est un système intégré dans nos représentations depuis longtemps. Et c’est un long travail que de s’en rendre compte et de s’en défaire.

Justement, le racisme s’ancre dans notre quotidien, notamment à travers les microagressions.

Deux chiffres récents, issus d'une étude menée par Diane Gonin, une de mes consœurs :

82 % des salariés français ont été témoins de micro-agressions en entreprise.

47 % en ont été victimes.

(Étude Ifop pour Paritalité réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du mardi 30 avril au mercredi 15 mai 2024 auprès d’un échantillon de 1009 salariés, représentatif de la population française des salariés du secteur privé.)

"Lorsque les équipes s’entendent bien, il n’y a pas de racisme (ni sexisme etc.)"

Les auteurs et autrices des microagressions que j’ai reçues ou entendues directement sont essentiellement des proches.

Pourquoi ? Parce que c’est avec elles et eux que j’ai le plus d’échanges, que j’ai le plus de freins à dire que je suis blessée par un propos, que je suis surprise (et sidérée) par des propos

Justement, quand on s’entend bien, on n’a pas envie d’être la personne qui crée la fracture.

"Il n’y a aucun levier lorsque les microagressions proviennent de la clientèle"

Face aux microagressions, il existe plusieurs stratégies pour se protéger ou pour les prévenir.

Chaque personne doit expérimenter, trouver celle qui lui convient le mieux et cette stratégie peut évoluer dans le temps.

Avant de choisir la stratégie, il est nécessaire de savoir comment réagir tout en étant en sécurité. Il n’est pas question de risquer de perdre son travail en hurlant sur un·e client·e.

C’est tout l’objet du travail que je propose dans les équipes.

Même si on se trouve dans la situation où il n’est pas question de faire un retour à la clientèle, il est possible de se protéger en se créant un soutien au sein des équipes.

Parfois, faire un signe à une collègue que nous avons vu ce qu’elle vient de vivre, lui témoigner notre soutien, c’est aussi une stratégie.

Le problème des microagressions ?

Une microagression c’est un propos ou un comportement d’apparence banale qui est fondé sur un stéréotype envers une communauté de personnes. Certaines personnes de cette communauté peuvent être blessées par ces propos ou comportement.

  • Elle part souvent d’une bonne intention, elle ressemble à un compliment (“Je trouve ça trop joli les yeux bridés”)
  • C’est fugace, C’est parfois anecdotique, un mot, un mouvement de tête, un regard. Ce qui fait que la personne touchée par les propos peut douter
  • C’est difficile de le signaler sans devoir se lancer dans un débat ou une démonstration

Tout le monde ne sait pas définir le racisme. Ou chacun peut avoir une approche différente. C'est une notion beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine. Beaucoup pensent que c’est un comportement de xénophobie conscient et haineux.

Certes, sauf que c’est incomplet.

Le racisme du quotidien, celui qui s'exprime notamment à travers les microagressions, m'intéresse davantage par sa dimension à la fois omniprésente et parfaitement fuyante. Tenter de l'attraper, c'est essayer d'attraper un poisson à mains nues. C'est possible, mais ça vous échappe savamment.

Le problème, c’est que le racisme du quotidien mine la santé mentale de vos équipes.

Une personne qui subit du racisme sans pouvoir l’exprimer vit une double violence, et à plusieurs reprises. Si elle ne n'a pas la possibilité de dire que cela la blesse, alors elle doit porter seule cette violence vécue.

“Elle n’a qu’à le dire”

Plus facile à dire qu’à faire.

Sidération, phénomène psychologique qui se manifeste par une incapacité momentanée à savoir quoi faire ou quoi dire. Une personne qui vient de subir une agression n’est pas responsable d’avoir la “bonne” attitude.

“Que risque-t-elle à le dire ?”

Beaucoup. Elle peut avoir peur de

  • vexer (charge raciale), nombreuses sont les raisons pour lesquelles les personnes se taisent.
  • d’être isolée ou jugée par ses collègues
  • ne pas savoir expliquer

Que faire des microagressions ?

Les microagressions sont des comportements. Donc agissons sur les comportements.

Sans juger les personnes.


Il y a plein de façons de contrer les microagressions, sans culpabiliser les individus.

Pour ma part, je pense qu’il est nécessaire de déclencher une prise de conscience collective, afin de construire ensemble une stratégie durable. Compter sur une personne pour porter le sujet, c'est risquer de l'épuiser.

En atelier, j’anime des activités pour identifier les différentes formes que prennent les microagressions, avec des verbatims, des situations et des témoignages que j’apporte, ou que les stagiaires décident de partager.

En parler en équipe, c’est primordial car cela permet de

  • déterrer les non-dits
  • questionner les pratiques d’un groupe social, la culture d’entreprise
  • trouver ensemble une parade

Vous avez peur que cela mette mal à l’aise ?

Je suis là pour ça pour assurer un cadre le plus sécurisant possible pour les stagiaires.

Mon rôle est d’assurer qu’il n’y ait pas de confrontation ou de règlement de compte.

Quand bien même des situations fictives trouvent racine dans le réel, il s’agit de

  • comprendre en quoi c’est problématique
  • trouver ensemble une alternative
  • et non pas de juger les personnes qui disent ou subissent les propos à caractère raciste (parce que sinon elles se braquent ou elles boudent et après il n'y a plus de discussion)

Comment agir ?

1.Créer la discussion

Faites exister le sujet, en partageant des articles, des podcasts, ou cette newsletter.

Demandez à vos équipes ce qu'elles en pensent. Vous n'avez pas besoin d'être expert·e en la matière pour créer une discussion. Et si vous craignez que la discussion dérape, c'est qu'il y a des circonstances particulières. On peut en discuter pour trouver ensemble la meilleure façon pour vous d'amener le sujet.

2.Faites appel à un·e professionnel·le (moi par exemple)

Pour le prochain séminaire d'entreprise ou réunion d'équipe, choisissez l'intervention la plus adaptée à la culture de votre entreprise, je propose :

  • un atelier : "Ce café, avec ou sans microagression ?"
  • une conférence : "Microagressions au travail, de quoi parle-t-on ?"
  • ou une formation sur-mesure : "Prévenir les microagressions en situation de travail"

Dans un monde idéal, chacune de ces propositions renvoie vers une page de présentation qui vous donne instantanément envie de travailler avec moi.

Dans la réalité, mes pages de présentation ne sont pas encore prêtes. Je vous propose donc une discussion à l'ancienne :

Juliette Phuong


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