Ravie de vous retrouver en ce premier mardi de septembre !
Peut-être êtes-vous parti·e de votre résidence principale, ou pas, peut-être faites-vous partie de ces tracancier·es pour qui le lieu importe peu.
Je suis de retour après quatre semaines de vraies vacances. A part noter les idées qui passent, je n'ai ni produit ni anticipé la rentrée. Je me suis autorisée à passer du temps de qualité avec les humain·es qui m'entourent, et surtout avec moi-même. C'est un véritable luxe que je me suis accordé, j'en ai conscience et je le savoure.
Je suis donc tout à fait en forme, et j'ai hâte de concrétiser les nouveaux rendez-vous que je voudrais vous proposer !
Avez-vous déjà entendu … ?
“Je le dis en toute objectivité”
“En prenant une position neutre…”
“Je ne vais pas prendre parti mais…”
Que ce soit pour un débat ou une prise de décision, ces expressions me hérissent le point de vue.
Je vous explique plus loin pourquoi.
En ce mois de rentrée pour certain·es, revoyons cet exercice commun qui est de se présenter.
En début de réunion ou d’atelier, il est fréquent de faire un tour de table.
C’est au moins pour mettre un prénom sur les visages, et souvent, on y réchauffe nos stéréotypes.
Faisons l’exercice ensemble. Je commence :
“Bonjour, je m’appelle Juliette Phuong, je suis formatrice en diversité et inclusion et je vis à Lyon”.
Maintenant, essayez de compléter le tableau avec quelques informations :
- où était mon lycée ?
- où vivent mes parents ?
- est-ce que je vis en ville ou à la campagne ?
Sans que vous ne le sachiez/vouliez, à partir des 3 informations que j’ai fournies, votre cerveau a déjà commencé à compléter mon portrait à partir de ce que vous connaissez des personnes qui ont un prénom français accolé à un nom qui ne l'est pas, des formatrices et des lyonnaises.
La nature a horreur du vide, n’est-ce pas ?
Allons un peu plus loin
- quelles langues je parle ?
- est-ce que je vote plutôt au centre ou à gauche ?
- ai-je des enfants ?
C’est déjà un peu plus difficile car je n’ai pas donné d’indices.
Mais peut-être que vous vous demandez à quoi ça sert ?
Depuis quelque temps, en introduction de mes ateliers, je prends le soin de situer mes propos.
“Bonjour, je m’appelle Juliette, je suis une femme cisgenre et hétérosexuelle, française d’origine chinoise. J’ai grandi et étudié à Paris. J’ai un bac+5. Je suis installée à Lyon et je vis avec mon conjoint, avec qui nous élevons une fille. Je suis entrepreneure salariée d’une coopérative d’emploi et d’activité.”
Cela vous fait une belle jambe ?
Situer mes propos me permet d'assumer mes points de vue et surtout mes angles morts.
Car ce que je n’ai pas vécu/vu ne fait pas partie de mon quotidien, de ma réalité. Et ce que j'ai véçu a mécaniquement une plus grande place dans ma perception du monde qui m'entoure.
Pourquoi la prétention de neutralité m’énerve ?
En me disant neutre ou objective, je pourrais vendre mes prestations comme impossibles à remettre en question. Je vise l’égalité pour tout le monde, qui pourrait être contre ?
Mais dans la pratique, tout se révèle plus complexe.
C’est quoi l’égalité ?
L’égalité de quoi exactement ? De revenu, du temps de parole, du temps de transport matin et soir ? Quid des besoins, capacités et spécificités de chaque personne ?
On en fait quoi de la diversité humaine ? De la multiplicité des expériences et des voix ?
Nos identités et nos expériences forgent notre perception du monde.
- Ce que je suis a un impact sur ce que je vis.
(Ma tête de touriste éternelle -> les “Ni Hao” dans la rue)
- Ce que je vis a un impact sur ce que je pense.
(Soûlée de racisme du quotidien -> je pense que c’est une nuisance pour ma santé mentale)
- Ce que je pense a un impact sur mes décisions, prises en conscience ou non.
(J’agis contre le racisme et ses effets, en entreprise notamment) D’ailleurs Ce que nous pensons est assez prévisible, en fonction de nos parcours et de nos environnements. Je vous invite à faire ce test pour trouver votre cluster (groupe qui partage le même socle de valeurs et d'attitude), avec de 30 questions clivantes.
- Mes décisions ont un impact sur ce que je suis, et inversement.
(En tant que formatrice, je peux avoir de l’ascendance sur les stagiaires qui me considèrent comme “sachante”)
Prétendre être neutre, c’est s’imaginer que l’on peut agir sans émotion, sans stéréotype ni préjugé, comme un robot.
Qui a envie d’apprendre l’inclusion avec un robot ?
La neutralité sabote l’inclusion
Pour que je puisse occuper la place que je souhaite dans une réunion de travail, une entreprise ou une association, il faut que je puisse être qui je suis, et non pas me fondre dans le moule de la neutralité qui, généralement, est conçu sur un modèle masculin, blanc et hétéosexuel.
L’inclusion consiste très précisément à laisser la place aux identités, quand bien même ces identités nous sont inconnues ou mal connues. Et l’inclusion au travail, c’est la capacité à lever tous les obstacles qui empêchent de travailler ensemble.
La neutralité présuppose un centre du monde, des repères communs, une norme.
C’est bien cela qui empêche le travail d’inclusion : continuer à penser “ce qui est normal” versus “les autres à inclure”.
La place de la parole, une histoire de domination
Djamila Ribeiro, philosophe politique, a développé la notion de “la place de la parole noire” pour questionner les positions de dominations. Ce que nous sommes a un impact sur notre prise de parole (ou non), la façon dont nous le faisons et la façon dont elle est perçue.
En tant que professionnelle de l’inclusion, je revendique mon point de vue situé. Je ne suis pas neutre, et je ne cherche pas à l’être.
J’ai donc la responsabilité d’assurer la même marge de manœuvre à mes stagiaires.
Ce qui est totalement compatible avec le fait :
- d’écouter des opinions opposés ou divergents (sauf si les propos sont injurieux ou haineux, alors ce sont des délits)
- de modérer des échanges au sein d’un groupe
- d’encourager la collaboration au sein d’une équipe
En diversité et inclusion, situer les propos présente plusieurs intérêts :
- accueillir véritablement la diversité de ce que nous sommes
- questionner ses référents (ce qui est évident pour moi, ne l’est pas forcément pour les autres)
- assumer ses points de vue et reconnaître ses angles morts
Alors, à la prochaine réunion avec de nouvelles têtes, comment vous présenterez-vous ?
Ou alors, comment aimeriez-vous vous présenter ? Et qu’est-ce qui vous empêche de le faire ?
Juliette Phuong
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